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Régularisation des sans-papiers au cas par cas: et après ? Avocat et Droit des Etrangers en France

68% des Français sont favorables à la régularisation au cas par cas des salariés sans-papiers en grève. C’est ce qu’indique un sondage CSA pour Le Parisien et Aujourd’hui en France. Seuls 24% y sont opposés.

Le sondage ne permet pas de «dire de façon certaine s’ils préfèrent cette solution à une régularisation massive ou à des expulsions», souligne le journal. Les Français les plus convaincus sont les femmes (74%), les 30-49 ans (71%), les professions intermédiaires (71%), les employés (70%), les étudiants (73%) et les retraités (72%). Les plus diplômés y sont plus favorables (76%).

Selon les préférences politiques, ce sont les électeurs de l’UMP (82%) et du MoDem (74%) qui se montrent les plus favorables à cette mesure. Les électeurs socialistes approuvent eux à 69% ces régularisations. A l’extrême gauche, 58% des électeurs y sont favorables, et à l’extrême droite 56%.

Mme Fadela Amara s’est prononcée sur le dossier des régularisations de travailleurs sans-papiers sur la radio RMC cette semaine. Elle était la présidente de l’association « Ni putes ni soumises » jusqu’au 19 juin 2007, date à laquelle elle est devenue secrétaire d’État chargée de la politique de la Ville dans le gouvernement de François Fillon. Son passé associatif et ses origines algériennes (kabylie) font que la réaction de Mme Amara était attendue sur cette question.

Jean-Jacques Bourdin a posé la question de manière directe et explicite : Est-ce que vous êtes pour une régularisation massive des sans-papiers salariés ?

Fadela Amara : « Je suis pour une régularisation au cas par cas. Je pense sincèrement que l’on ne peut pas être dans une posture comme certains, faussement généreuse, à dire que l’on peut ouvrir les frontières complètement, ce serait hypocrite, mais en même temps, le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé dans son discours, on ne peut pas être non plus dans une sorte d’immigration zéro, ce n’est pas possible non plus, notre pays a besoin de l’immigration d’un point de vue économique. Je pense qu’il faut être pragmatique : nous avons des travailleurs clandestins, je pense qu’il faut aider la régularisation de ces travailleurs. »

Jean-Jacques Bourdin : Et s’il y en a plusieurs dizaines de milliers on les régularise ?

Fadela Amara : « Je pense qu’il faut regarder au cas par cas parce que les situations sont totalement différentes de l’un à l’autre ».

On l’aura compris, l’administration n’opérera pas de régularisation massive et procèdera au « cas par cas ».

Ces demandes massives de régularisation nous amènent à faire état de deux observations.

La première concerne les préfectures et leurs capacités à traiter ces dossiers dans des temps raisonnables. Nous avons vu récemment des dossiers de titres de séjour qui étaient toujours à l’instruction après plus d’un an de procédure administrative. Cela était une exception mais d’une manière générale les préfectures sont débordées et elles manquent de personnel. Leurs horaires d’ouverture au public ne sont pas assez larges et leur dispositif d’accueil du public n’est pas assez renforcé. Ce qui pose problème ce sont bien les effectifs des préfectures. Est-ce que le ministère de l’intérieur a prévu une cellule de crise, des effectifs supplémentaires pour traiter ces nouveaux dossiers ?

La seconde concerne les juridictions administratives qui sont elles aussi débordées. Un exemple, les jugements de reconduite à la frontière sont presque immédiats le jours de l’audience mais seul le dispositif est communiqué à l’étranger. Le jugement lui-même n’est rédigé et communiqué que 10, voire 15 jours ouvrés après la date d’audience. Bien que l’appel ne soit pas suspensif lorsqu’on conteste un jugement du tribunal administratif sur une reconduite à la frontière, on peut de manière exceptionnelle demander la suspension de la décision du premier juge administratif. Cependant, pour présenter une requête aux fins de suspension il demeure impératif d’annexer copie du jugement car il s’agit bien de ce jugement dont il est demandé la suspension, et non pas la décision de reconduite à la frontière. Bref, ici encore, les effectifs manquent, les juridictions administratives sont débordées et malgré le dévouement et les diligences des magistrats administratifs les jugements rendus sur reconduite à la frontière ne sont communiqués qu’une semaine minimum après l’audience. Dans ces conditions, l’étranger est déjà reparti et la demande de suspension n’a plus lieu d’être.

En conclusion, si on veut faire du « cas par cas » il faut que l’Administration s’en donne aussi les moyens humains et financiers.

Pour Patrick Peugeot, Président de la CIMADE, «la méthode choisie est claire : renvoyer sur les préfectures, avec cette formule passe-partout du « cas par cas », porte ouverte à beaucoup d’aléas dans les décisions».

Il faudra donc être vigilant quelque soit l’issue de ce mouvement et de ces nombreux dossiers.
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