Depuis une dizaine de jours les médias et les avocats se sont fait l’écho des sans-papiers en grève ou en colère réclamant leur régularisation.
Quelque 800 dossiers de demandes de titres de séjour soutenus par la CGT ont été déposés par des salariés en situation irrégulière dans cinq préfectures d’Ile-de-France (Paris, Essonne, Seine-Saint-Denis, Val-de-Marne, Hauts-de-Seine).
Ils ou elles sont en France depuis parfois plus de 15 ans, cotisent aux impots et paient leurs redevances audiovisuelles. Ils ou elles travaillent dans les « petits boulots » dans lesquels les employeurs ne perdent même plus leurs temps à poser des offres d’emplois à l’ANPE. Une réalité éclate au grand jour, ces sans papiers font marcher une économie citadine qui serait en grande difficulté sans eux : restaurant, gardiennage, sécurité, nettoyage, travaux…
Le gouvernement s’est prononcé en faveur des régularisations au cas par cas. Nous n’aurons donc pas une régularisation massive comme en Espagne ou aux Etats-Unis à la fin des années 90 mais au cas par cas, sur dossier et selon des critères qui laissent encore aujourd’hui un fort pouvoir d’appréciation à l’Administration, c’est-à-dire au Politique lorsque le Droit n’est pas explicitement rappelé aux services administratifs.
Les choses devenaient urgentes : le patronat de la restauration, secteur gros employeur de main-d’oeuvre à bas coût, a vite vu le danger pour le tiroir-caisse du secteur de la restauration du mouvement des travailleurs sans-papiers. Une agitation médiatique trop importante autour de ces employés illégaux risquait rapidement de mettre le coup de projecteur sur leur enseigne. L’urgence a alors motivé certains, et pas des moindres, à demander au gouvernement une régularisation massive.
Selon le journal l’Humanité, le président de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UIMH), d’habitude pourfendeur de la TVA, a ainsi réclamé au gouvernement la régularisation de 50.000 à 100.000 travailleurs. Idem pour le président du Synhorcat (Syndicat national des hôteliers restaurateurs cafetiers et traiteurs), qui s’est déclaré pour une « régularisation massive » dans le cadre de la loi Hortefeux, c’est-à-dire selon les besoins du marché. « Le cas par cas en l’occurrence n’est pas une solution », selon lui. Pas par bonté d’âme, mais parce que « si on traîne cela trop longtemps, cela veut dire que les chefs d’entreprises vont devoir licencier, pour nous cela sera un non sens et une perte économique ».
« L’idée, poursuit Didier Chenet, c’est de faire un gros cas d’un coup (…) et de dire que tous ceux qui, avant juillet 2007, ont été embauchés en toute transparence, pour lesquels les chefs d’entreprises payent les charges sociales, pour lesquels ces mêmes salariés cotisent, voire même payent des impôts, puissent être régularisés ». Car près de 20.000 postes par an ne sont pas pourvus dans l’hôtellerie-restauration, les sans-papiers « ne prennent pas la place d’autres salariés », a-t-il affirmé.
Le ministre de l’Immigration, Brice Hortefeux, s’est prononcé pour la première fois sur ce mouvement dans une interview publiée dans le journal Le Figaro, le 23 avril 2008.
A la question posée « Doit-on s’attendre à une opération de régularisation massive ? ». La réponse est on ne peut plus claire : « En aucun cas ».
Le ministre précise « J’indique sans ambiguïté qu’il n’y aura aucune opération de régularisation massive. L’Espagne et l’Italie qui l’ont pratiquée il y a quelques années ont d’ailleurs officiellement renoncé à cette politique. Il ne peut y avoir qu’un examen au cas par cas en fonction de la réalité d’un contrat de travail, de la situation de l’emploi dans un secteur en tension ou d’un département. Il n’y a là ni improvisation, ni débordement. La loi que j’ai fait voter prévoit d’ailleurs de permettre à titre exceptionnel de régulariser au cas par cas dans des secteurs connaissant de graves pénuries de main-d’œuvre. La loi s’applique donc. »
Le ministre Hortefeux a pu également au cours de cette interview rappeler la ligne de conduite de ses services en soulignant « Nous poursuivons notre politique de fermeté, d’équilibre et de justice. En 2007, le nombre de clandestins a baissé de 6 %. Ce qui ne s’était pas produit depuis une génération. Au cours des cinq dernières années, ce sont quelque 110 000 sans-papiers qui ont été reconduits chez eux. Au premier trimestre, le nombre des éloignements est en forte progression avec plus du tiers de retours volontaires. Ces derniers représentaient moins de 7 % des reconduites précédemment. Les patrons fraudeurs ne sont pas épargnés. En 2007, 1 688 ont été interpellés pour avoir employé des clandestins, un chiffre en hausse de 40 %.J’observe également que conformément à nos engagements, l’immigration familiale a baissé de 12 % en 2007 par rapport à 2006. Sur la même période, l’immigration professionnelle a crû de 20 %. En 2008, le phénomène s’amplifie avec une progression de 27 %. »
Dans ce contexte de fermeté, le respect des règles de droit et la protection juridique des intérêts personnels et familiaux des étrangers assuré par les avocats devient plus qu’auparavant une priorité pour la défense des immigrés.