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IMMIGRATION ECONOMIQUE ET REGULARISATION EXCEPTIONNELLE PAR LE TRAVAIL : les dernières précisions du ministère

Une seconde circulaire relative aux possibilités de régularisation des étrangers par le travail vient d’être publiée au début du mois de janvier 2008 après celle de décembre 2007 que nous avons déjà présentée sur ce blog.

Rappelons ici qu’une circulaire est un texte qui oriente les autorités administratives dans leurs actions et leur application de la loi et des textes réglementaires mais qu’elle ne peut apporter de nouvelles règles. Considérant la complexité et la sévérité des derniers textes adoptés en la matière les circulaires doivent être lues avec attention. Mais leur pouvoir normatif étant nul elles doivent aussi être lues avec précaution. Surtout dans le domaine du droit des étrangers.

Que vise ce nouveau texte concernant les étrangers ?

La circulaire vient préciser les modalités d’application de l’article L.313-14 du code

de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).

Ce article est souvent utilisé pour des régularisations exceptionnelle d’étrangers depuis le durcissement des conditions des autres titres de séjour.

Que dit l’article L.313-14 ?

La carte de séjour temporaire mentionnée à l’article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l’article L. 313-10 sur le fondement du troisième alinéa de cet article peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, à l’étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l’admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu’il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l’article L. 311-7.

La Commission nationale de l’admission exceptionnelle au séjour exprime un avis sur les critères d’admission exceptionnelle au séjour mentionnés au premier alinéa.

Cette commission présente chaque année un rapport évaluant les conditions d’application en France de l’admission exceptionnelle au séjour. Ce rapport est annexé au rapport mentionné à l’article L. 111-10.

L’autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l’article L. 312-1 la demande d’admission exceptionnelle au séjour formée par l’étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans.

Un décret en Conseil d’Etat définit les modalités d’application du présent article et en particulier la composition de la commission, ses modalités de fonctionnement ainsi que les conditions dans lesquelles l’autorité administrative, saisie d’un recours hiérarchique contre un refus d’admission exceptionnelle au séjour, peut prendre l’avis de la commission.

L’apport de la circulaire : n°1

Ni les considérations humanitaires ni les motifs exceptionnels permettant de bénéficier de cette modalité de régularisation n’ont été expliqués jusqu’à présent, réservant ainsi une large part d’arbitraire à l’Administration dans l’appréciation des dossiers de régularisation présentés par des candidats au séjour régulier.

Depuis juillet 2006, la carte de séjour délivrée sur le fondement de cet article concernait des cartes vie privée et familiale. La dernière loi Hortefeux adoptée en novembre 2007 a permis aux préfectures d’accorder des cartes « salarié » (L.313-10) sur la base de l’article L.313-14, c’est-à-dire sur « motif exceptionnel » et ce sans exigence du visa long séjour régulièrement demandé par les préfectures pour la délivrance des titres de séjour.

On vise donc bien ici une régularisation exceptionnelle.

Restait à préciser ce que l’Administration entendait par « motifs exceptionnels ».

L’apport de la circulaire : n°2

Selon la circulaire de janvier 2008, ce dispositif couvre par définition un nombre très limité de bénéficiaires, la finalité n’étant pas d’engager une opération générale de régularisation. En effet les étrangers en situation irrégulière au regard du droit au séjour ont, toujours selon les mots propres du ministère, vocation à regagner leur pays d’origine. On pourrait s’étonner ici du ton et des ordres introduits dans les nouvelles circulaires du gouvernement. On a pu voir en effet dans d’autres lettres circulaires le ministère rappeler à l’ordre les préfets sur leurs « objectifs » de retour à la frontière. Ici on souligne que le dispositif de l’article L.313-14 CESEDA n’a pas pour but une opération générale de régularisation. Affirmer le contraire aurait été étonnant. Aussi ne faut-il pas prendre trop au pied de la lettre une telle instruction en considérant que seul le juge peut décider de la régularité de l’application des dispositions précitées et de ces effets. Il y a certes un message politique adressé par le gouvernement aux préfectures mais il convient de garder à l’esprit le fond du droit et les dispositions de l’article L.313-14 CESEDA.

Il y a cependant des choses plus intéressantes dans cette circulaire…

L’apport de la circulaire : n°3

Il y est précisé que le dispositif prévu à l’article L.313-14 CESEDA a pour objet de prévoir la régularisation au cas par cas, des ressortissants des pays tiers à l’Union européenne qui, compte tenu de leurs compétences professionnelles très recherchées, sont susceptibles de s’intégrer pleinement, par leur travail, à la société française.

Considérant la nouvelle donne de l’immigration économique, la circulaire indique :

Premièrement, les ressortissants algériens, dont la situation au regard du droit au séjour et au travail relève intégralement de l’accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié, ne peuvent pas se prévaloir des dispositions introduites par l’article 40 de la loi du 20 novembre 2007. Il en va de même des ressortissants tunisiens puisque, comme indiqué au 1.3 de la circulaire du 20 décembre 2006, la liste des métiers ouverts ne leur est pas applicable.

Comme indiqué sur ce blog, nous considérons que cette non-application serait illégale car contraire à l’égalité de traitement des étrangers. Le régime international des algériens et tunisiens ne saurait a priori exclure l’application d’une circulaire concernant un article général de la partie législative du CESEDA, surtout si ce texte peut leur être bénéfique en pratique malgré le découpage géographique opéré.

Deuxièmement, et s’agissant en premier lieu de l’aptitude à exercer une activité professionnelle dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, la circulaire souligne que les étrangers concernés devront satisfaire à deux conditions cumulatives.

? La première condition tient à la reconnaissance de qualifications et/ou d’expérience professionnelles dans l’un des métiers limitativement énumérés, en ce qui concerne la région où se fait la demande de titre. Pour cela, il est fait référence à la liste mentionnée au 3ème alinéa du l’article L.313-10 du CESEDA.

Rappelons que l’article L.313-10 précité dispose que :

La carte de séjour temporaire autorisant l’exercice d’une activité professionnelle est délivrée :

1° A l’étranger titulaire d’un contrat de travail visé conformément aux dispositions de l’article L. 341-2 du code du travail.

Pour l’exercice d’une activité professionnelle salariée dans un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement et figurant sur une liste établie au plan national par l’autorité administrative, après consultation des organisations syndicales d’employeurs et de salariés représentatives, l’étranger se voit délivrer cette carte sans que lui soit opposable la situation de l’emploi sur le fondement du même article L. 341-2.

Cette liste a été publiée avec la circulaire NOR IMIN0700011C du 20 décembre 2007 (annexe n°4)

Nous publions à nouveau cette liste qui est reproduite en annexe de la circulaire de janvier 2008.

? La seconde condition porte sur la preuve d’un engagement ferme de l’employeur à occuper l’étranger concerné dans l’un des métiers figurant dans la déclinaison régionale de la liste susvisée. Cet engagement devra se traduire par une proposition de contrat de travail à durée indéterminée – ou, à titre exceptionnel, à durée déterminée mais d’une durée supérieure à un an – dont la conclusion est subordonnée à la seule condition de la régularisation de l’intéressé.

L’employeur devra aussi fournir toute une liste de documents prévus par l’arrêté du 10 octobre 2007 pour la délivrance d’une carte de séjour temporaire mention « salarié » (voir notre article sur ce blog à ce sujet).

La circulaire entend ainsi renforcer l’implication de l’employeur dans la procédure d’admission exceptionnelle au séjour, sous peine d’irrecevabilité de la demande.

Sur la procédure à suivre :

Si la demande du candidat au séjour est déposée en préfecture, son dossier sera transmis aux services de la main d’œuvre étrangère de la direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle, qui l’instruira comme toute demande d’autorisation de travail, notamment en vérifiant le respect de la législation sociale mais sans opposer la situation de l’emploi. Point qui est souvent la grande difficulté dans les demandes de cartes « salarié ».

L’employeur devra acquitter la redevance et la contribution forfaitaire dues au titre de l’embauche d’un salarié étranger au profit de l’ANAEM (http://www.anaem.social.fr)

Pour rappel, cette redevance dépend du montant du salaire proposé par l’employeur :

– Salaire brut <= 1525 euros : la redevance est de 893 euros.

– Salaire brut >1525 euros : la redevance est de 1612 euros.

Appréciation des considérations humanitaires et des motifs exceptionnels

Lorsque l’aptitude des candidats au travail s’inscrit dans l’un des métiers mentionnés sur la liste de la circulaire, les préfets sont alors invités à procéder à un examen individualisé de situation en faisant preuve de la plus grande bienveillance.

Par ailleurs, la circulaire de janvier 2008 met l’accent de manière explicite et renforcée sur l’avantage d’une présentation du dossier par l’employeur lui-même. Il est vrai que chaque demande de titre de séjour doit toujours être déposée par l’étranger accompagné ou non d’un avocat-conseil mais l’employeur peut intervenir à la procédure en présentant un courrier de soutien explicite, ce que la circulaire présente comme des courriers de signalement de cas.

Selon la circulaire l’intervention de l’employeur devrait justifier une étude particulièrement rapide et attentionnée des dossiers par les préfectures. Aucun délai n’est cependant mentionné.

L’activité exercée reste, au moins les deux premières années, circonscrite à un métier sous tension, conformément à l’artiste R.341-2-2 du code du travail.

La circulaire prend alors le soin de bien souligner que les demandes ne respectant pas la totalité des conditions précisées ci-dessus, en particulier le rattachement strict à l’un des métiers mentionnés en annexe pour une région spécifique, ne seront pas recevables. Il est alors important de bien consulter la description de chacun des métiers visés en annexe par la circulaire de 2007 afin de respecter le champ du métier concerné. Pour connaître cette description, il convient de consulter la fiche Rome du métier en question sur le site de l’ANPE.

Le meilleur moyen d’y accéder est alors de consulter les fiches métiers disponibles sur le site interne de l’ANPE : http://www.anpe.fr/espacecandidat/romeligne/RliIndex.do

Il existe cependant une porte de sortie…

A titre exceptionnel, la circulaire précise que pourront tout de même faire l’objet d’un examen les demandes qui, tout en respectant l’intégralité des autres conditions, seraient liées à un métier qui, sans figurer dans la liste régionale, « connaît des difficultés de recrutement particulièrement aiguës dans le bassin d’emploi concerné ». Dans cette hypothèse, l’irrecevabilité ne pourrait pas être opposée au demandeur du titre.

Il est encore trop tôt pour apprécier l’application de ces nouvelles dispositions sur le droit des étrangers et les possibilités de régulariser des sans papiers, mais l’année 2008 devrait être celle de l’immigration économique en priorité…On jugera sur les chiffres.

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