Saisi sur le fondement de l’article L. 113-1 du code de justice administratif, le Conseil d’Etat vient de considérer dans un avis rendu le 21 mars 2011 que les dispositions de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, dite « directive retour », étaient précises et inconditionnelles. En l’occurrence, l’Etat français n’ayant toujours pas transposé ces dispositions en droit interne alors que le délai de transposition expirait le 24 décembre 2010, l’étranger contestant une mesure de reconduite à la frontière peut les invoquer directement. Rappelons que l’article 7 de cette directive dispose que « la décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire » au terme duquel la mesure d’éloignement peut être exécutée. Son paragraphe 4 précise que ce délai peut être réduit, voire supprimé, « s’il existe un risque de fuite, ou si une demande de séjour régulier a été rejetée comme étant manifestement non fondée ou frauduleuse, ou si la personne concernée constitue un danger pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale ». Il y avait donc un manque de coordination entre les textes français et le texte européen dans la mesure où le CESED n’impose pas que la mesure d’éloignement soit assortie d’un délai approprié. Le Conseil d’Etat considère « que les articles 7 et 8 de la directive énoncent des obligations en des termes non équivoques, qui ne sont assorties d’aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à l’intervention d’aucun acte des institutions de l’Union européenne ou des Etats membres ». Le Conseil d’Etat ajoute qu’ « à cet égard, la faculté laissée aux Etats membres par le paragraphe 1 de l’article 7 de la directive de prévoir que le délai de retour ne sera accordé qu’à la demande du ressortissant d’un pays tiers ne fait pas obstacle au caractère inconditionnel et suffisamment précis de ces dispositions, dès lors que, si l’Etat membre n’a pas prévu des dispositions en ce sens dans sa législation nationale, il est réputé ne pas avoir exercé la faculté qui lui est ainsi offerte par la directive ». Enfin, le juge précise qu’« aussi si longtemps que l’Etat n’a pas fixé dans sa législation nationale, ainsi que l’imposent les dispositions du 7) de l’article 3 de la directive du 16 décembre 2008, les critères objectifs sur la base desquels doit être appréciée l’existence d’un « risque de fuite », il ne peut pas se prévaloir de l’exception prévue par le paragraphe 4 de l’article 7 dans une telle hypothèse. Dès lors que les autres dispositions de l’article 7 peuvent trouver à s’appliquer sans cette exception, cette dernière doit être considérée comme divisible ». Pour le Juge administratif donc «les dispositions des articles 7 et 8 de la directive du 16 décembre 2008, qui sont inconditionnelles et suffisamment précises, sont susceptibles d’être invoquées par un justiciable à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire ». CE, Avis, 21 mars M. Jin et M. Thiero, req. n° 345978