Après un long débat parlementaire et médiatique, la nouvelle loi relative à la maîtrise de l’immigration, à l’intégration et à l’asile vient d’être publiée au Journal Officiel le 20 novembre 2007 (loi n°2007-1631). Seulement deux dispositions du projet final soumis à l’examen du Conseil Constitutionnel ont été encadrées d’une part et annulées d’autre part par le juge constitutionnel. En bref, les test ADN ont été jugés acceptables sous certaines réserves, et les dispositions relatives aux statistiques ethniques ont en revanche été annulées dans leur globalité. Cette nouvelle loi de 65 articles est venue modifiée de nombreuses règles dans différentes législations se rapportant de près ou de loin à l’immigration : le CESEDA bien entendu mais aussi le code du travail, le code de l’action sociale et des familles, le code monétaire et financier, le code de la sécurité sociale, le code civil, le code pénal et le code de justice administrative. Nous reviendrons ultérieurement sur les principales modifications apportées par la loi Hortefeux dans ces différentes législations. Pour commencer, il convient de souligner ce qui a changé dans les conditions du regroupement familial. Ce qui n’a pas changé : C’est toujours au bout de 18 mois de séjour « régulier » en France que l’étranger pourra demander à être rejoint par son conjoint, si ce dernier est âgé d’au moins 18 ans et les enfants du couple mineurs de 18 ans (L.411-1 CESEDA). L’étranger qui demande le regroupement familial pourra le solliciter au bénéfice de ses enfants même si la filiation, c’est-à-dire la preuve administrative et juridique du lien de parenté, n’est établie qu’à l’égard d’un seul des deux parents (L.411-2 CESEDA). Ce qui a changé : 1. Les ressources du demandeur (L.411-5 CESEDA) Le regroupement familial peut être refusé si le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. On considère toujours que toutes les ressources du demandeur et de son conjoint doivent être prises en considération indépendemment des prestations familiales et des allocations sociales. Avant la loi Hortefeux, la loi indiquait que ces ressources devaient atteindre un montant au moins égal au SMIC mensuel. Avec la nouvelle loi Hortefeux, le seuil de référence a été précisé : On prend désormais en considération la taille de la famille du demandeur. Le gouvernement devra, dans les prochaines semaines, les prochains mois, prendre une décision (sous le contrôle du Conseil d’Etat) pour fixer un tableau des ressources exigées. Le minimum sera fixé au SMIC mensuel et le maximum exigible sera le SMIC mensuel + 25%. Il est désormais précisé que ces seuils de ressources ne sont pas applicables lorsque la personne qui demande le regroupement familial est titulaire de l’allocation aux adultes handicapés. 2. Les principes essentiels qui régissent la vie familiale en France (L.411-5 CESEDA) Le regroupement familial peut également être refusé si le demandeur ne respecte pas certains principes essentiels. L’ancien texte parlait des « principes fondamentaux reconnus par les lois de la République ». Le nouveau texte fait désormais référence aux « principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France, pays d’accueil ». Le changement est important pour la défense des étrangers. L’ancien code faisait référence aux principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, fameux « PFRLR » pour les étudiants en Droit. Leur champ est aujourd’hui délimité dans la mesure où ils sont tous une base écrite (contrairement aux principes généraux du droit qui sont par définition non écrit). Mais la nouvelle rédaction de la loi fait référence à une catégorie de principes beaucoup plus large et à vrai dire inclassable dans une catégorie juridique quelconque : « les principes essentiels (sic) qui régissent la vie familiale en France ». 3. La formation obligatoire pour les candidats au regroupement familial (L.411-8 CESEDA) Pour les candidats au séjour au titre du regroupement familial, le Consulat pourra imposer de suivre une formation sur la langue et les valeurs de la République française. Tous les candidats agés de plus de 16 ans et moins de 65 ans devront suivre une évaluation de leur niveau de connaissances. Ce test, dont les conditions pratiques ne sont pas encore définies, aura lieu dans le pays de l’étranger et sera organisé par le Consulat. Si après cette évaluation, le Consulat estime nécessaire que le candidat suive une formation, le candidat au séjour sera alors invité à suivre des cours de langue et de civilisation française. Ces cours auront lieu dans le pays de l’étranger, seront pris en charge financièrement par les autorités françaises et ne pourront durer plus de 2 mois pour chaque candidat au séjour. La délivrance du visa long séjour nécessaire à la venue en France du candidat étranger sera alors subordonnée à une attestation de suivi de cette formation. La loi ne parle pas d’attestation de réussite mais bien de suivi. Il n’y aurait donc pas d’examen de sortie ! Le texte précise par ailleurs que cette attestation est délivrée « immédiatement » à l’issue de la formation. On connaît déjà les lenteurs de certains Consulats à délivrer les visas long séjour dans le cadre du regroupement familial. Il reviendra au Gouvernement de fixer le contenu de cette formation et la nouvelle loi doit donc encore être précisée sur ce point. En attendant donc les décrets d’application, cette nouveauté n’est pas encore applicable aux candidats au séjour dans le cadre du regroupement familial. 4. La possibilité de recourir aux tests ADN (L.111-6 CESEDA) Le projet de loi a fait coulé beaucoup d’encre. Comme indiqué à plusieurs reprises, le but de ce Blog n’est pas de commenté le droit des étrangers sous un angle politico-juridique. Notre volonté est de communiquer une information juridique exacte, actuelle et objective au-delà des considérations politiques. Nous tenterons donc de nous y tenir. Quelles sont aujourd’hui les conditions et les particularités de ces tests ? On le sait le bénéficiaire d’un regroupement familial, la personne restée au pays et que l’étranger résidant en France souhaite faire venir en France, doit solliciter un visa long séjour auprès du Consulat. Pour ce faire, l’étranger resté au pays devra apporter la preuve de son lien parental ou en tout cas familial avec l’étranger résident en France. Ainsi la mère voulant faire venir ses enfants restés au pays doit elle pouvoir établir la preuve que ces enfants sont bien les siens. La preuve normalement présentée est alors celle de l’état civil du pays étranger. Cependant dans bien des cas les registres ne sont pas tenus ou encore l’authenticité des documents présentés par les candidats au regroupement familial peut poser certaines difficultés aux autorités consulaires. La nouvelle loi donne donc la possibilité aux demandeurs de solliciter l’identification de leurs empreintes génétiques afin d’établir la preuve de leur lien de filiation avec leur mère restée en France et qui souhaite les faire venir. Cette identification génétique ne peut être exécutée qu’à la demande expresse des candidats au séjour. En tout état de cause, ce test doit recueillir l’accord préalable et express des candidats au séjour et la loi oblige les autorités consulaires à leur délivrer une information appropriée quant à la portée et aux conséquences d’une telle mesure. Cette identification génétique ne sera pas décidée par les autorités consulaires. Le Consulat sera là pour recueillir la demande de l’intéressé(e) et le Consulat devra ensuite transmettre cette demande au Tribunal de Grande Instance de Nantes. Seuls les juges de Nantes pourront alors décider, après un débat contradictoire et toutes investigations utiles, de mettre en œuvre une identification génétique, telle que demandée par le candidat au séjour. Si le Tribunal décide la mesure nécessaire et utile il désignera alors un expert pour effectuer le test ADN. Dans tous les cas, les analyses génétiques sont effectuées aux frais de l’Etat. La loi reste aujourd’hui incomplète. Comme dans beaucoup de domaines, la loi, à savoir le Parlement, fixe les grandes lignes et le pouvoir réglementaire, à savoir le Gouvernement, complète ensuite les trous. On parle alors de décrets d’application (de la loi). Ici encore plus qu’ailleurs la loi renvoie à des décrets d’application pour fixer : 1º Les conditions de mise en oeuvre des mesures d’identification des personnes par leurs empreintes génétiques préalablement à une demande de visa ; 2º La liste des pays dans lesquels ces mesures sont mises en oeuvre, à titre expérimental ; 3º La durée de cette expérimentation, qui ne peut excéder dix-huit mois à compter de la publication de ce décret et qui s’achève au plus tard le 31 décembre 2009 ; 4º Les modalités d’habilitation des personnes autorisées à procéder à ces mesures. Voici résumées les principales dispositions de la loi Hortefeux pour ce qui concerne le regroupement familial. Les conditions du regroupement familial s’en trouvent sensiblement modifiées. La bataille politique n’est plus d’actualité. Les nouvelles règles juridiques ont été votées, elles seront appliquées dès la publication des décrets d’application. Il est à noter qu le décret d’application concernant les tests ADN sera pris en Conseil d’Etat après avis du Comité consultatif national d’éthique (http://www.ccne-ethique.fr).
Affaire à suivre…