L’article 10 a) de l’Accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié prévoit que « 1. Un titre de séjour d’une durée de dix ans, ouvrant droit à l’exercice d’une activité professionnelle est délivré de plein droit, sous réserve de la régularité du séjour sur le territoire français : a) Au conjoint tunisien d’un ressortissant français, marié depuis au moins un an, à la condition que la communauté de vie entre époux n’ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l’étranger, qu’il ait été transcrit préalablement sur les registres de l’état civil français ».
L’article L. 423-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (ancien L. 314-5-1 du CESEDA) prévoit que l’autorité administrative peut procéder au retrait de la carte de résident aux conjoints de français ayant rompu la vie commune dans un délai maximal de quatre années à compter de la célébration du mariage.
Le Conseil d’État s’est prononcé sur l’application de cette disposition aux ressortissants tunisiens. En effet, en principe, les règles applicables aux ressortissants tunisiens découlent de l’accord franco-tunisien modifié de 1988 et non du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA).
C’est ce que le Conseil d’État a confirmé dans un arrêt du 2 avril 2010, dans lequel il a affirmé que l’article précité n’est pas applicable aux ressortissants tunisiens qui se sont vu délivrer une carte de résident sur le fondement de l’accord franco-tunisien (CE, 2 avril 2010, n° 319912).
Ce raisonnement a également été appliqué en 2016 aux ressortissants algériens dans un arrêt du 25 janvier 2016 (CE, 25 janvier 2016, n° 388146).
La position du Conseil d’État n’a pas été remise en cause. Néanmoins, un nouveau motif a été dégagé par la jurisprudence administrative pour permettre à l’autorité administrative de procéder au retrait de la carte de résident : la fraude.
C’est ce qu’a précisé la Cour administrative d’appel de Paris dans un arrêt très récent, par lequel la Cour a confirmé qu’une carte de résident délivrée à un ressortissant tunisien marié à un ressortissant français peut être retirée au motif qu’elle a été obtenue par la fraude. Toutefois, il appartient à l’administration d’établir la preuve de la fraude (CAA Paris, 18 juillet 2022, n° 21PA02647).
En effet, en droit administratif, il faut distinguer :
- L’acte administratif créateur de droits (EX la délivrance d’un titre de séjour) qui peut être retiré ou abrogé dans un délai de 4 mois,
- L’acte administratif non créateur de droits (l’acte obtenu par la fraude) qui peut être retiré ou abrogé, même passé le délai de 4 mois, à condition que l’autorité administrative établisse la fraude.
Dès lors, la rupture de la vie commune ne peut pas constituer un motif de retrait ou de refus de renouvellement de la carte de résident délivrée à un ressortissant tunisien marié avec un ressortissant français. Toutefois, si la carte de résident a été obtenue par la fraude, l’autorité administrative peut procéder au retrait du titre de séjour à tout moment si la fraude est établie.
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