- CAA Nantes, 27 février 2015, n° 14NT00812
- CAA Nantes, 27 février 2015, n° 14NT00474
Des précisions sur l’admissibilité des tests génétiques au titre de preuve de la filiation Par deux arrêts du 27 février 2015, la Cour administrative d’appel de Nantes précise que seuls les tests ADN ordonnés par une autorité juridictionnelle sont susceptibles d’être admis au titre de preuve de la filiation dans le contentieux des refus de visa français. Pour en savoir plus… Lorsqu’une demande de visa s’inscrit dans le cadre d’une procédure de regroupement familial faisant l’objet d’un accord préfectoral, les autorités consulaires ne peuvent s’y opposer qu’en se fondant sur un motif d’ordre public. L’avocat est toujours attentif pour rappeler et contrôler le périmètre de la motivation donnée par les autorités du Consulat en cas de refus de visa. Le défaut de caractère probant des actes d’état civil produits par la personne sollicitant le visa fait souvent débat dans les dossiers que nous devons gérer auprès des Consulats. Dès lors, dans le cas où l’état civil du pays d’origine est défectueux (archives disparues ou brûlées…), certains parents qui souhaitent faire venir en France leurs enfants au titre du regroupement familial se heurtent à une véritable impossibilité d’établir la preuve du lien de filiation qui les unit à leurs enfants. C’est ainsi que se pose la question de l’admissibilité de la preuve de la filiation par identification des empreintes génétiques (tests ADN des parents et enfants étrangers). L’identification par les empreintes génétiques est strictement encadrée par le droit français. Aux termes de l’article 16-11 du code civil, elle ne peut être recherchée, en matière civile, « qu’en exécution d’une mesure d’instruction ordonnée par le juge saisi d’une action tendant soit à l’établissement ou la contestation d’un lien de filiation, soit à l’obtention ou la suppression de subsides. Le consentement de l’intéressé doit être préalablement et expressément recueilli ». Dans ces circonstances, la Cour administrative d’appel de Nantes est venu préciser les contours de l’admissibilité des résultats de tests génétiques au titre de preuve de la filiation. Pour le juge administratif, de tels résultats peuvent non seulement être admis s’ils ont été obtenus à la suite d’une action engagée en France sur le fondement de l’article 16-11 du code civil mais également s’ils ont été sollicités à l’étranger sur le fondement d’une loi étrangère présentant des « garanties équivalentes » à celles de l’article 16-11 du code civil. Autrement dit, seuls les résultats obtenus en exécution d’une décision juridictionnelle pourront être retenus, à l’exclusion de toute expertise rendue sur l’initiative du ressortissant étranger lui-même par un laboratoire privé. S’agissant des tests ADN sollicités en France sur le fondement de l’article 16-11 du code civil, ceux-là semblent même réservés à la compétence du juge judiciaire, le juge administratif se refusant, au terme d’une application stricte des dispositions du code civil, à ordonner de tels tests dans le cadre du contentieux des refus visas (CE, réf., 11 mars 2010, n° 336326). La cohérence de la jurisprudence administrative relative aux moyens de preuve de la filiation est susceptible d’être interrogée par les avocats spécialisés en immigration, dès lors que le Conseil d’Etat admet que la preuve de la filiation peut s’établir par tous moyens (CE, réf., 28 septembre 2007, n°308826). Se pose en outre la question de la compatibilité de la solution rendue par la Cour administrative d’appel de Nantes avec la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci ayant condamné la France à la demande des avocats sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme pour n’avoir pas retenu au titre des indices probants de la filiation les résultats de tests génétiques effectués au Canada à l’initiative de la requérante et confirmant sa maternité à 99,9% (CEDH, 10 juillet 2014, aff. 19113/09, Senigo Longue et a. c/ France).