CE, 26 avril 2024, n° 468274
La récente décision du Conseil d’État rendue en 2024 concernant l’articulation entre l’accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) met en lumière un mécanisme fondamental en droit international : le renvoi au droit national pour combler les lacunes des conventions bilatérales. Dans le contexte spécifique du droit des étrangers, cette interaction est cruciale pour déterminer les règles applicables.
L’affaire portée devant le Conseil d’État concernait précisément l’obligation, pour les ressortissants tunisiens sollicitant pour la première fois un titre de séjour afin d’exercer une activité salariée en France, de produire un visa long séjour. L’article 3 de l’accord franco-tunisien, qui encadre les conditions de séjour et de travail, restait silencieux sur cette condition d’entrée sur le territoire.
Face à ce silence, le Conseil d’État s’est appuyé sur l’article 11 de l’accord bilatéral. Cet article stipule explicitement que « pour tous les points non traités par le présent Accord, les ressortissants de chacune des Parties Contractantes sont soumis à la législation en vigueur sur le territoire de l’autre Partie ». Cette disposition constitue une clause de renvoi explicite à la législation nationale de chaque État pour les matières qui n’ont pas fait l’objet d’un accord spécifique.
Ainsi, le Conseil d’État a interprété le silence de l’article 3 de l’accord concernant les conditions d’entrée comme une absence de volonté des États de déroger aux règles nationales en vigueur. En d’autres termes, en ne mentionnant pas de disposition spécifique relative à l’obligation de visa pour une première demande de titre de séjour salarié, l’accord franco-tunisien a implicitement laissé cette question sous l’empire du droit français.
C’est donc l’article L. 412-1 du CESEDA, qui prévoit l’obligation de visa long séjour pour une première admission au séjour en vue d’exercer une activité salariée, qui a trouvé à s’appliquer. Le Conseil d’État a clairement établi que le silence d’un accord bilatéral sur une question donnée ne saurait être interprété comme une absence de règle, mais plutôt comme un renvoi tacite à la législation interne de chaque État contractant.
Cette décision souligne l’importance de la complémentarité entre le droit international conventionnel et le droit national. Les accords bilatéraux fixent un cadre spécifique pour les relations entre les États dans certains domaines, mais ils ne sauraient épuiser toutes les questions juridiques potentielles. Les clauses de renvoi, comme celle présente dans l’accord franco-tunisien, permettent ainsi d’assurer une continuité normative en appliquant le droit national pour les aspects non couverts par l’accord.
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