Des policiers qui rentrent sur un chantier et contrôlent les papiers des ouvriers c’est possible même sans réquisition du procureur de la République… L’affaire peut paraître simple. Des policiers passent à hauteur d’un chantier en montagne. Des hommes y travaillent à l’installation d’un chalet avec le moyen d’une grue. Les policiers constatent alors à vue d’œil et sans pénétrer sur le chantier que les travailleurs ne portent pas de casque de sécurité. Les policiers rentrent alors sur le chantier et contrôlent les hommes sur le chantier qui se révèlent être des travailleurs polonais démunis de titre de travail. La procédure de contrôle d’identité ayant menée à la mise en cause du chef d’entreprise pour commercialisation clandestine de chalets en bois fabriqués en Pologne et de délit de travail dissimulé, celui-ci rechercha à juste titre à contester la procédure suivie par les forces de police au premier contrôle d’identité. En effet, les policiers étaient alors entrés sur le chantier, c’est-à-dire un lieu à usage professionnel, pour contrôler des papiers sans avoir reçu spécifiquement de réquisition écrite du procureur de la République (article 78-2, al. 1er Code de procédure pénale). Les contrôles d’identité ne peuvent en effet être opérés n’importe où et sans conditions. Le droit doit être respecté. Dans le cadre de la procédure pénale, les réquisitions doivent alors spécifier de manière précise les infractions recherchées. Au titre de l’article 78-2, al. 1er du code de procédure pénale : « Les officiers de police judiciaire et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire et agents de police judiciaire adjoints mentionnés aux articles 20 et 21-1º peuvent inviter à justifier, par tout moyen, de son identité toute personne à l’égard de laquelle existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner : – qu’elle a commis ou tenté de commettre une infraction ; – ou qu’elle se prépare à commettre un crime ou un délit ; – ou qu’elle est susceptible de fournir des renseignements utiles à l’enquête en cas de crime ou de délit ; – ou qu’elle fait l’objet de recherches ordonnées par une autorité judiciaire. Sur réquisitions écrites du procureur de la République aux fins de recherche et de poursuite d’infractions qu’il précise, l’identité de toute personne peut être également contrôlée, selon les mêmes modalités, dans les lieux et pour une période de temps déterminés par ce magistrat. Le fait que le contrôle d’identité révèle des infractions autres que celles visées dans les réquisitions du procureur de la République ne constitue pas une cause de nullité des procédures incidentes. L’identité de toute personne, quel que soit son comportement, peut également être contrôlée, selon les modalités prévues au premier alinéa, pour prévenir une atteinte à l’ordre public, notamment à la sécurité des personnes ou des biens.(…) » Pour les juges de cassation, la procédure de contrôle d’identité était dès lors valable même en l’absence de réquisition écrite du procureur de la République. Les policiers avaient en effet pu constater le défaut de port du casque sur le chantier, infraction à la réglementation sur l’hygiène et la sécurité prévue par l’article L. 263-2 du code du travail. Pareille infraction avait alors pu justifier leur entrée sur les lieux et surtout le contrôle d’identité opéré. La décision peut cependant surprendre dans la mesure où l’infraction en cause, celle de ne pas porter de casque de sécurité, est liée à l’obligation pesant sur le chef d’entreprise et non sur les ouvriers eux-mêmes. Ainsi, les ouvriers qui travaillaient sans casque n’étaient pas les auteurs d’une infraction directement au regard du code du travail et de la réglementation sécurité-hygiène. Plus précisément, l’obligation incombait au chef d’entreprise et non aux ouvriers. Dans ces circonstances, le contrôle d’identité n’a pu être motivé par le fait que les ouvriers observés auraient « commis ou tenté de commettre une infraction ». Décision rendue en cassation elle ne sera pas soumise à une ultime discussion juridique et elle doit donc être retenue comme définitive. Les conditions du contrôle d’identité nous semblent donc moins restrictives et on doit alors conseiller les individus travaillant sur un chantier à redoubler d’efforts pour porter leur casque de sécurité afin d’éviter ce genre de contrôle inopinés. Il reste que la décision doit être combattue et qu’elle ne saurait être présentée comme valant jurisprudence…
(Cass, cril, 2 mai 2007, n°07-81.517)