Le préfet doit saisir le médecin inspecteur de santé publique avant toute mesure d’éloignement d’un étranger susceptible de bénéficier des dispositions protectrices des étrangers malades, et ce alors même que l’intéressé n’avait pas présenté de demande de titre de séjour sur ce fondement.
La jurisprudence citée ci-dessous a été défavorable au demandeur originaire de RDC mais le raisonnement suivi par la Cour est intéressant dans la mesure où la Cour fait peser une obligation de contrôle à charge de la préfecture.
Le demandeur soutient qu’il pouvait, compte tenu des éléments médicaux qu’il a fournis, prétendre à la délivrance d’un titre de séjour de plein droit dès lors qu’il remplissait les conditions fixées par l’article L. 313-11-11° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile et que le préfet de l’Oise a pris sa décision de refus de séjour à l’issue d’une procédure irrégulière en ne recueillant pas l’avis du médecin inspecteur de la santé publique ; que le refus de séjour qui lui a été opposé porte atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnaît les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dès lors qu’il entretient une relation avec une compatriote qui vient de bénéficier du statut de réfugié ; que le préfet de l’Oise a commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision de refus sur sa situation personnelle et familiale dès lors qu’il a reconstruit des liens en France et qu’il justifie ne pas avoir conservé d’attaches effectives dans son pays d’origine à l’exception de ses deux enfants dont il est séparé depuis deux ans ; que le préfet de l’Oise a pris sa décision d’obligation de quitter le territoire français à l’issue d’une procédure irrégulière en ne recueillant pas l’avis du médecin inspecteur de la santé publique ; que le préfet de l’Oise a méconnu les dispositions de l’article L. 511-4-10° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile dès lors qu’il a des problèmes de santé nécessitant un traitement et des soins dont il ne pourrait bénéficier dans son pays d’origine ; qu’il encourt des risques en cas de retour dans son pays d’origine et qu’ainsi, la décision fixant la République démocratique du Congo comme pays de destination méconnaît les stipulations de l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Sur la légalité du refus de séjour :
La cour décide:
Considérant, en premier lieu, qu’il ressort des pièces du dossier que M. X a demandé une carte de résident au titre de l’asile politique ; que le préfet de l’Oise n’étant pas tenu d’examiner sa demande à un autre titre que celui qui était demandé, le moyen tiré de ce que l’avis du médecin inspecteur de la santé publique aurait dû être recueilli est inopérant à l’encontre de la décision de refus de délivrance de la carte de résident sollicitée ;
Considérant, en second lieu, qu’aux termes de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d’autrui » ;
Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que M. X déclaré être entré en France le 26 mai 2005 ; que si l’intéressé fait valoir qu’il entretient en France une relation avec une compatriote admise au statut de réfugié, il n’établit pas la réalité et la stabilité de cette relation par les seuls éléments qu’il produit ; que, par ailleurs, il n’est pas contesté que l’intéressé, âgé de vingt-huit ans, n’est pas dépourvu d’attaches familiales dans son pays d’origine dès lors que son épouse et ses deux enfants y vivent ; que, dans ces conditions, eu égard à la durée et aux conditions de séjour en France de M. X il n’est pas établi que la décision de refus de séjour du préfet de l’Oise en litige aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et qu’elle aurait, ainsi, méconnu les stipulations de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; qu’il n’est pas davantage établi que le préfet de l’Oise aurait commis une erreur manifeste dans l’appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l’intéressé, nonobstant la circonstance, à la supposer établie, que M. X aurait reconstruit des liens en France et qu’il serait séparé de son épouse ;
Sur la légalité de la mesure d’obligation de quitter le territoire :
Considérant qu’aux termes de l’article L. 511-4 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : « Ne peuvent faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français ou d’une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : […] 10° L’ étranger résidant habituellement en France dont l’état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d’une exceptionnelle gravité, sous réserve qu’il ne puisse effectivement bénéficier d’un traitement approprié dans le pays d’origine » ; qu’aux termes de l’article R. 511-1 du même code : « L’état de santé défini au 10° de l’article L. 511-4 est constaté dans les mêmes conditions que celles qui sont prévues aux deux premiers alinéas de l’article R. 313-22 » ; qu’aux termes de l’article R. 313-22 du même code : « […] Le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu de l’avis émis par le médecin inspecteur de santé publique compétent au regard du lieu de résidence de l’intéressé […] L’avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la population et des migrations, du ministre chargé de la santé et du ministre de l’intérieur, au vu, d’une part, d’un rapport médical établi par un médecin agréé ou un praticien hospitalier et, d’autre part, des informations disponibles sur les possibilités de traitement dans le pays d’origine de l’intéressé […] » ; qu’enfin l’arrêté du 8 juillet 1999 pris pour l’application de ces dernières dispositions prévoit que le médecin inspecteur de la santé publique de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales émet un avis précisant si l’état de santé de l’ étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, si l’intéressé peut ou non bénéficier effectivement d’un traitement médical approprié dans son pays, quelle est la durée prévisible du traitement, et indiquant si l’état de santé de l’ étranger lui permet de voyager sans risque vers le pays de renvoi ;
Considérant qu’il résulte de ces dispositions que, même si elle n’a pas été saisie d’une demande de titre de séjour fondée sur les dispositions de l’article L. 313-11-11° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, l’autorité administrative qui dispose d’éléments d’informations suffisamment précis et circonstanciés établissant qu’un étranger résidant habituellement sur le territoire français est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices de l’article L. 511-4-10° du même code, avant de prononcer à son encontre une obligation de quitter le territoire, doit saisir le médecin inspecteur de la santé publique pour avis dans les conditions prévues aux deux premiers alinéas de l’article R. 313-22 dudit code ;
Considérant, d’une part, que le certificat médical du 21 octobre 2005 produit par M. X fait état d’un état psychologique préoccupant nécessitant un suivi régulier sur le long terme ; que ce certificat n’est pas de nature, à lui seul, à établir que l’intéressé est susceptible de bénéficier des dispositions protectrices de l’article L. 511-4-10° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ; que, dans ces conditions, le préfet de l’Oise, qui a été destinataire de ce certificat, n’était pas tenu, avant de prononcer une obligation de quitter le territoire français, de saisir pour avis le médecin inspecteur de la santé publique ; que le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure du fait de l’absence de cet avis n’est pas fondé ;
Considérant, d’autre part, que, comme cela a été dit précédemment, si M. X souffre d’un syndrome dépressif post-traumatique chronique, les éléments médicaux qu’il produit ne permettent pas d’établir que son état de santé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité ; que, dans ces conditions, l’intéressé n’est pas fondé à soutenir que le préfet de l’Oise aurait, en prononçant la mesure d’obligation de quitter le territoire français en litige, méconnu les dispositions de l’article L. 511-4-10° du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile ;
Arrêt rendu par Cour administrative d’appel de Douai
13 février 2008
n° 07DA01106