Depuis 2013, la transformation numérique de l’administration française s’est accélérée, avec pour objectif de simplifier les démarches administratives pour les usagers. Les plans « Préfectures nouvelle génération » (2016-2020) et « Action publique 2022 » ont notamment conduit à la dématérialisation de nombreuses procédures, y compris la délivrance de titres d’identité, de permis de conduire et de certificats d’immatriculation.
Le déploiement de nouveaux services numériques est devenu une priorité pour l’État français.
Son application au droit des étrangers n’est pas sans créer de nouvelles difficultés pour les usagers étrangers en France.
Cette évolution profonde de la relation entre l’administration et l’usager doit faciliter l’accès aux droits pour tous, y compris les personnes en situation de précarité. Cependant, le Défenseur des droits souligne que la dématérialisation des procédures administratives et ses conditions de mise en œuvre peuvent entraîner des entraves à l’accès aux droits et des atteintes aux droits des usagers.`
Une récente décision du Tribunal administratif de Melun illustre la bêtise du système électronique mis en place par l’Administration (voir TA MELUN, 20 décembre 2024, 2415688) voir pièce jointe. On s’étonne ensuite de comptabiliser plus de 49% du contentieux administratif comme relevant du droit des étrangers..
Dans un rapport daté du 27 novembre 2024, le Défenseur des Droits, met en lumière les difficultés rencontrées par les usagers de l’Administration Numérique pour les Étrangers en France (ANEF) dans leurs démarches pour obtenir un titre de séjour.
Problèmes rencontrés par les usagers :
- Bugs techniques et dysfonctionnements :
- Impossibilité de déposer une demande en ligne car le titre précédent n’est pas reconnu comme ayant été remis.
- Perte de mot de passe et non-réception du lien de modification.
- Impossibilité de consulter les demandes de l’agent instructeur ou transmission de pièces non reçues par le service préfectoral.
- Impossibilité de sélectionner une démarche.
- Choix de conception sources de difficultés :
- Impossibilité de réaliser plusieurs démarches simultanément.
- Absence d’historique complet des démarches.
- Impossibilité de rectifier, compléter ou annuler une demande.
- Marge de manœuvre insuffisante des agents préfectoraux pour résoudre les blocages.
- Impensés préjudiciables à certains publics vulnérables :
- Impossibilité pour une même personne de gérer des démarches pour plusieurs personnes.
- Difficultés rencontrées par les femmes victimes de violences (e.g., contrôle du compte ANEF par l’auteur des violences, absence de procédure spécifique pour ces victimes).
- Difficultés d’accès au séjour pour les réfugiés mineurs et les membres de leur famille.
- Déploiement parcellaire, source de confusion pour les usagers :
- Multiplicité des procédures et téléservices.
- Information insuffisante et complexité de la liste des titres de séjour concernés par l’ANEF.
- Non-respect des délais de dépôt par les usagers induit en erreur.
- Difficultés liées aux documents provisoires de séjour :
- Difficultés dans la délivrance des attestations de prolongation d’instruction (ADP).
- Encadrement réglementaire insuffisant des attestations de décision favorable (ADF).
- Problèmes techniques pour télécharger les attestations.
- Défauts de coordination avec d’autres administrations et manque d’information sur la valeur juridique de ces documents.
Solutions d’accompagnement et de substitution insuffisantes :
- Mise en œuvre tardive de la décision du Conseil d’État :
- Le Conseil d’État a jugé que le recours obligatoire à l’ANEF était possible sous réserve de prévoir des mesures d’accompagnement et une solution de substitution en cas d’impossibilité d’utiliser le téléservice.
- La mise en place de ces mesures a été tardive et les préfectures ont majoritairement refusé de permettre aux usagers de déposer leur demande autrement que via l’ANEF.
- Services d’accompagnement trop limités :
- Le Centre de Contact Citoyen (CCC) offre une assistance limitée et les suites données aux saisines sont souvent peu satisfaisantes.
- Les Points d’Accueil Numérique (PAN) sont méconnus, leur accès est difficile et leur personnel n’est pas toujours qualifié.
- Solution de substitution fantôme :
- L’accès à la solution de substitution (dépôt en guichet, par voie postale ou électronique) est difficile et mal défini.
Le rapport est disponible ici : https://www.defenseurdesdroits.fr/rapport-administration-numerique-pour-les-etrangers-en-france-anef-2024
Les saisines du Défenseur des droits ou du juge des référés du tribunal administratif sont des voies de recours essentielles et possibles. A noter que ces démarches demeurent trop souvent un préalable nécessaire à l’obtention d’un rendez-vous en préfecture pour déposer une demande de titre de séjour lorsque l’usager rencontre des blocages avec l’ANEF.