Pour tout séjour de moins de 3 mois en France, l’étranger (hors Union européenne et exceptions des conventions internationales) doit obtenir un visa de court séjour qui est délivré par les autorités consulaires françaises.
L’article L211-1 CESEDA pose ce principe de rigueur :
« Pour entrer en France, tout étranger doit être muni :
1º Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ;
2º Sous réserve des conventions internationales, du justificatif d’hébergement prévu à l’article L. 211-3, s’il est requis, et des autres documents prévus par décret en Conseil d’Etat relatifs, d’une part, à l’objet et aux conditions de son séjour et, d’autre part, s’il y a lieu, à ses moyens d’existence, à la prise en charge par un opérateur d’assurance agréé des dépenses médicales et hospitalières, y compris d’aide sociale, résultant de soins qu’il pourrait engager en France, ainsi qu’aux garanties de son rapatriement ;
(…) »
Il est à noter que les étrangers déjà titulaires d’un titre de séjour délivré par les autorités préfectorales françaises ne sont pas soumis à l’exigence du visa lorsqu’ils reviennent en France après s’en être absentés.
Une grande majorité des demandeurs de visas se voit opposée par les autorités consulaires des appréciations strictes quant aux conditions visées à l’article L211-1 précité et ce notamment en ce qui concerne les « moyens d’existence » du candidat au séjour.
Ces conditions de ressources sont appréciées soit à l’examen de la situation du seul demandeur soit à l’examen de la situation financière de la ou des personnes qui s’engagent à soutenir l’étranger durant son séjour.
Des revenus inférieurs au SMIC ont pu dans le passé justifier des refus de visas. Ces jurisprudences semblent toujours d’actualité aujourd’hui (voir CE, 27 avril 1998, Berrada).
L’article R211-28 CESEDA précise à ce titre que :
« L’étranger sollicitant son admission en France peut justifier qu’il possède les moyens d’existence lui permettant de faire face à ses frais de séjour, notamment, par la présentation
– d’espèces
– de chèques de voyage
– de chèques certifiés
– de cartes de paiement à usage international
– de lettres de crédit.
Les justifications énumérées au premier alinéa sont appréciées compte tenu des déclarations de l’intéressé relatives à la durée et à l’objet de son séjour ainsi que des pièces produites à l’appui de ces déclarations et, le cas échéant, de la durée de validité du visa. »
Première observation, la liste indiquée ci-dessus n’est pas limitée et la personne sollicitant le visa peut tout à fait faire mention des fiches de paye des personnes allant l’héberger en France, des lettres de soutient financier proposé par des amis ou autres documents pouvant démontrer qu’elle disposera des ressources nécessaires pour séjourner en France le temps de son court séjour.
Un candidat au séjour peut notamment pour établir qu’il dispose de moyens de subsistance suffisants faire état de sommes d’argent mises à sa disposition par une banque. Il revient ensuite à l’autorité administrative d’apprécier, sous le contrôle du juge administratif, si ces ressources sont adaptées au séjour envisagé (CE, 10 janvier 2001, Douhab ; CE, 29 novembre 2004, Ouici).
Dans l’affaire DOUHAB, une ressortissante marocaine contestait le refus de visa court séjour qui avait été opposé par le Consulat de France à Agadir à sa mère, Mme Boumrim. La décision du juge administratif est on ne peut plus brève mais illustre bien la façon dont ces questions sont évaluées par le juge administratif.
Voici ci-dessous une reproduction de l’arrêt DOUHAB :
« Considérant qu’aux termes de l’article 5 de la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, l’étranger souhaitant faire en France un séjour n’excédant pas trois mois doit » …c) … disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée de séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance ( …) ou être en mesure d’acquérir légalement ces moyens » ; qu’en se fondant, pour refuser à Mme BOUMRIM le visa qu’elle sollicitait, sur le fait que ni l’intéressée, ni sa fille ne disposaient des ressources personnelles suffisantes pour subvenir à ses besoins en France, le consul général de France à Agadir n’a pas entaché sa décision d’une erreur d’appréciation ;
Considérant qu’il ne ressort pas des pièces du dossier, qu’en refusant à Mme Boumrim le visa qu’elle sollicitait, le consul général de France à Agadir ait porté, en l’absence de circonstances particulières, une atteinte disproportionnée au droit de l’intéressée au respect de sa vie familiale ; que, par suite, Mme DOUHAB n’est pas fondée à soutenir que la décision attaquée a méconnu les stipulations de l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ; »
On ne peut faire plus bref, plus court.
Une récente décision du Conseil d’Etat rendue le 10 octobre 2007 mérite cependant d’être soulignée.
Mme C, ressortissante algérienne avait vu sa demande de visa court séjour refusée par les autorités consulaires d’Alger. Elle avait alors saisi la Commission de recours contre les décisions de refus de visa d’entrée en France. Rappelons qu’il est obligatoire de saisir cette Commission avant de contester le refus de visa devant le juge administratif.
Le Juge administratif rappelle que l’étranger qui souhaite venir passer en France un séjour n’excédant pas trois mois doit disposer des moyens de subsistance suffisants, tant pour la durée de séjour envisagé que pour le retour dans le pays de provenance (…) ou être en mesure d’acquérir légalement ces moyens.
Dans cette affaire, le visa avait été refusé à Madame C. car elle ne justifiait pas de ressources suffisantes, faute d’avoir la disposition effective des sommes d’argent qu’elle avait déclarées disposer.
Le Juge administratif a alors considéré, contrairement à l’analyse du Consulat et de la Commission de recours que, si Mme C fait état d’une rémunération mensuelle d’un montant limité à environ 110 euros, il ressort des pièces du dossier qu’afin de disposer des moyens nécessaires à son séjour en France, elle a obtenu la mise à disposition d’une somme de 1 250 euros prélevée sur un compte bancaire ouvert à son nom.
Le Juge souligne que la mise à disposition de cette somme, attestée par une pièce émanant d’un établissement bancaire, porte sur un montant adapté à la durée d’1 mois du séjour envisagé par Mme C.
Le Juge conteste également l’appréciation du Consulat qui avait soutenu qu’aucune pièce du dossier ne permettait d’établir que le montant en cause n’avait pas été mis à la disposition de Mme C dans le seul but de faciliter la délivrance du visa sollicité. Une telle appréciation était en effet exagérée car alors toute personne faisant état d’une somme suffisante sur son compte en banque aurait pu se voir opposer la critique du Consulat selon laquelle l’argent aurait été versé momentanément, simplement pour les besoins de la procédure.
Rejetant cette appréciation manifestement infondée de la part des autorités consulaires et de la Commission, le Conseil d’Etat décide donc d’annuler le refus de visa qui avait été opposé à Mme C.
De cette décision de justice on retiendra :
(i) que 1250 euros pour un mois de séjour en France pour une personne ont été jugés comme suffisants. Cela n’est cependant pas un montant minimum et on peu tout à fait justifier de sommes inférieures dans la mesure où l’étranger sera hébergé gratuitement par sa famille et qu’il ou elle sera nourrit sur place ;
(ii) l’identification des fonds sur un compte bancaire devrait suffire à apporter la preuve des moyens de subsistance et le Consulat n’a pas le droit de contester sans preuve sérieuse que ces fonds ont été versés pour le seul besoin de la demande de visa. Le Consulat devra sur ce point apporter des éléments sérieux et démonstratifs à sa critique.
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